Traversée du Lyskamm

Il y a deux-trois semaines, j’avais réservé une nuit pour deux personnes au refuge Gnifetti. J’espérais arriver à convaincre Pål de se joindre à moi pour enfin aller faire cette traversée du Lyskamm qui m’obsède depuis pas mal d’années. Malheureusement quelques jours avant, il déclare forfait avec son dos complètement bloqué.

Deux jours avant, c’est le dernier moment pour annuler ma résa du refuge. Je regarde la météo … grand beau samedi ! Je suis dégoûtée… Sans trop d’espoir j’envoie un What’s App à ma copine Mathilde: « Qqch de prévu vendredi samedi ? Traversée du Lyskamm ça te dirait ? » en quelques minutes elle me répond: « Oh mais j’aime quand tu me parles comme ça ! » On règle quelques détails de timing car elle doit être à Gênes samedi soir, j’ai trouvé ma coéquipière ! Trop chouette de faire cette course entre nanas, ça promet de beaux rires.

La première étape consiste à me rendre à Gressoney, et même si je connais la route depuis le temps, c’est toujours aussi long de remonter cette vallée du Lys interminable. Il est presque midi, on n’est pas pressées du tout, le programme du jour consiste à monter avec les installations jusqu’à Punta Indren, à rejoindre le refuge Gnifetti et à glander. Ça devrait le faire, on maitrise ! Alors biensur les grincheux vous diront que Gnifetti, c’est l’usine, bla bla bla, oui mais c’est confortable et surtout, on y mange divinement bien. On partage notre table avec trois gaillards de La Rochelle et leur guide et on se marre vraiment bien, à échanger sur la montagne, le surf (vous pensez, avec mon heure complète d’expérience à Alaïa Bay, j’ai de la conversation) et le rugby.

On va se coucher assez tard et je n’arrive pas à dormir. Je me pose pas mal de questions sur la course du lendemain, on n’y eu que très peu d’informations sur la traversée; on croit savoir que le sommet E est tracé mais au delà, aucune idée.

Finalement le réveil à 2h50 sonne comme une libération. On avale difficilement un mini p’tit déj et surtout deux tasses de café. Malgré le manque de sommeil je me sens en forme et Mathilde aussi. On sort du refuge, l’instant est irréel avec la pleine lune et les lumières de la vallée tout en bas. On rejoint le glacier par les quelques échelons et on commence notre journée. Remonter le glacier pour rejoindre le col du Lys nous permet de finir notre nuit, la trace est excellente, les ponts de neige sont béton grâce à un excellent regel, et comme c’est la troisième fois que je me tape cette montée, je n’ai pas besoin de trop réfléchir. On arrive au col pour le levé du jour. Les couleurs du ciel et l’ambiance incroyable de l’instant nous font presque oublier qu’on se les gèle méchamment. On enfile toutes nos couches, ça caille grave.

On raccourcit l’encordement et on y va ! J’arrive à peine à croire que je suis enfin sur cette arête. Même pas peur. Les conditions sont excellentes, ça cramponne super bien. Mathilde suit d’un pas assuré, confiance totale. On fait une pause un peu avant le sommet Est. J’essaie d’avaler quelque chose mais ça ne passe pas, je me contente de boire quelques gorgées du thé de marche hyper sucré du refuge. On repart, j’ai un sacré coup de mou avant le sommet, mais on peut presque le toucher. Encore un p’tit pas sur un bloc et on y est ! Wowowowow, tellement beau !

On n’a ni nausée, ni mal à la tête, on ne se pose même pas la question de savoir si on continue ou pas, tous les astres sont alignés ! On continue notre danse sur le fil de l’arête à plus de 4400m. Mathilde passe élégament le pas sur le rocher avec la corde fixe et m’assure depuis le haut, alors que je fais un rétablissement façon baleine échouée dont j’ai le secret.

On arrive au sommet Ouest. Il est 9h30 et tout va pour le mieux dans le meilleurs des mondes. On sait que la journée n’est de loin pas finie et on reste bien concentrées. C’est raide, mais alors vraiment bien raide cette descente. On reste au maximum dans les rochers car la face est très dure, même si ce n’est pas en glace. Finalement on arrive au plat et là, on peut enfin relâcher la pression et j’arrive enfin à avaler quelques chose. On se dirige vers le Felikjoch avec la banane, cette fois la course est gagnée !

Alors biensur, il y aura encore quelques heures de marche, descendre au refuge Quintino Sella et surtout la descente interminable dans de la neige inconsistante jusqu’au télésiège, mais franchement on s’en fiche ! On est trop contentes d’avoir réalisé ce voyage.

En plus, cette année, Suisse Tourisme a organisé un défi appelé 100% Women Peak Challenge qui consiste à gravir tous les 4000 de Suisse, en 6 mois, par des cordées exclusivement féminines. On est donc bien contentes de pouvoir apporter notre pierre à l’édifice de ce chouette projet en cochant les deux sommets du Lyskamm !

3 commentaires

  1. Toujours passionnant de te lire et tellement beaux vos sourires après une telle marche.
    Bravo à vous deux.
    Josette
    PS demain matin j’irai voir sur une carte où c’était !

  2. Bravo pour cet exploit on croit rêver j’avoue qu’à la lecture du récit je tremble un peu il me semble que vs êtes sur le fil du rasoir sur les arrêtes de ces magnifiques sommets. Je t’en supplie ma chérie ne franchit pas la limite des difficultés en te disant « ça passera » 🙏🙏 je comprends que tu aies le virus de la haute montagne c’est tellement beau mais de grâce prends soin de toi je t’aime fort ❤️😘

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.